Les utilisateurs de Facebook sont les pigeons de l'IA
Infirmiers virtuels mais "empathiques", médecine de demain qui nous transformera en tournesols et jeux à -72%
Édito
Par Ambroise Garel
L’Histoire est remplie de moments où une population, faute de défenses adéquates, a été anéantie par l’arrivée d’un nouveau prédateur. De la mégafaune exterminée lors de l’arrivée d’homo sapiens (comment de petits bipèdes pouvaient-ils menacer des animaux lourds de plusieurs centaines de kilos ?) aux Amérindiens décimés par la variole dont les conquistadors étaient porteurs (et qu’ils ont même utilisée comme arme bactériologique), tous les exemples nous livrent la même leçon : ce n’est pas tant la nature ou la puissance de l’arme qui fait le danger, mais le fait d’être ou pas préparé à y faire face. D’ailleurs, les Européens vivaient très bien avec leur variole même s’ils avaient sans doute des boutons dégueus plein la tronche et la mégafaune africaine a réussi à survivre (enfin, jusqu’à récemment), parce qu’ayant co-évolué avec nos ancêtres, elle avait appris à s’en méfier. Un peu comme nous, individus extremely online et lecteurs du Pavé numérique, avons appris à nous méfier de l’IA, tandis que d’autres populations, qui ne bénéficient pas des mêmes défenses immunitaires, sont sur le point d’être décimées. Eh oui, je parle de vos parents sur Facebook.
Le réseau social des gens normaux dont la vie n’a pas été dévorée par Internet est en passe de devenir, pour citer un utilisateur de BlueSky, « la plus grande galerie d’art génératif du monde ». Des petits malins ont en effet remarqué que les images étonnantes et éminemment mémétiques que peut produire l’IA, lorsqu’on savait les adapter à l’audience de Facebook (qui, en gros, veut du feel good, et du religieux pour ce qui concerne les utilisateurs américains), était une usine à générer des vues et des partages. Pire, que même le contenu le plus pété, qui aurait immédiatement fait lever les sourcils, voire les yeux au ciel, sur un autre réseau plus nerdy, trouvait ici un public prêt à accepter sa réalité sans le moindre esprit critique. Les arnaqueurs l’ont bien compris, qui mettent en vente des produits qui n’existent pas ou des réalisations, notamment du crochet, complètement improbables afin de vendre des patrons ou de gratter des vues.
L’observatoire d’Internet de l’université de Stanford s’est même fendu d’un article où il s’alarme de l’industrialisation des spams et du scam (lire également l’article de 404 à ce sujet). Si pour le moment, comme le reconnaît l’observatoire, les producteurs d’IA semblent davantage motivés par l’argent que par l’idéologie (il faut dire que Meta favorise de moins en moins le contenu politique), il n’en reste pas moins que des milliards d’utilisateurs sont désormais exposés continuellement à un déluge d’images de plus en plus bizarres dans lequel ils sont incapables de distinguer le vrai du faux et auquel ils réagissent de façon impulsive. Voilà qui ne peut que bien finir.
PROMOTION SPÉCIALE : jusqu’à fin mars, tous les abonnements au Pavé numérique sont à -22 %.
OH, ET AU FAIT : Le Pavé numérique est la quatrième newsletter française la plus lue sur Substack ! Merci à toutes et tous pour votre fidélité.
(⁄ ⁄>⁄ ▽ ⁄<⁄ ⁄) Publicité (⁄ ⁄•⁄ω⁄•⁄ ⁄)
Le triste monde tragique de la technologie
Notre revue de presse de la tech déchaînée, par Ambroise Garel
(*`〇Д〇)?
ZoneBourse.com. « J’espère, vous dites-vous peut-être lorsqu’il vous arrive de penser aux derniers jours de votre vie, qui comme ceux de 75 % des Français auront sans doute lieu à l’hôpital, que les agents de soins de santé empathiques qui seront à mes côtés dans ces moments difficiles permettront des interactions conversationnelles à très faible latence. » Eh bien, sachez que cette préoccupation très humaine est actuellement l’objet d’une collaboration entre Nvidia et la start-up Hippocratic AI, qui cherche à développer des « agents de santé » virtuels. Or, d’après une étude d’Hippocratic, lesdits agents doivent être capables de répondre rapidement pour que les patients puissent « établir un lien émotionnel » avec eux. En effet, 84,3 % des gens ont « senti que l’IA se souciait d’eux » lorsqu’elle répondait en 3 secondes ou plus, contre 88,2 % lorsqu’elle répondait en 2,2 secondes. Tout cela est certes prodigieusement dystopique mais également bien naturel, j’aurais du mal à penser qu’une infirmière, même bien réelle, se soucie de mon cas si elle passait trois secondes à regarder par la fenêtre avant de daigner me répondre.
ArsTechnica.com. Dans une tentative d’auto-sabotage tellement incroyable qu’elle ferait dire « hmm hmm » au plus blasé des psys, Glassdoor, le site web dont tout le principe repose sur le fait que les employés peuvent y noter de façon anonyme les entreprises pour lesquelles ils travaillent, a décidé d’associer les vrais noms des utilisateurs à leur profil. Une décision qui ne s’explique pas tant par le masochisme que par la bêtise pure : Glassdoor a en effet acquis il y a trois ans l’application de discussions professionnelles Fishbowl, qui exige une vérification de l’identité des profils. Dans un but de simplification de la base utilisateurs qui a probablement été réfléchie sur un coin de table à l’apéro, le site a donc choisi de fusionner les profils Fishbowl et les siens, qui risquent désormais à tout moment d’être doxxés.
GovTech.com. Les élèves du lycée de Fresno (Californie) doivent composer avec un nouveau système informatisé de gestion des toilettes qui semble sorti du genre de nouvelles qu’aurait écrites Michel Foucault s’il ne s’était pas tourné vers la philosophie mais avait plutôt choisi d’écrire des textes de science-fiction en sniffant de la colle. Les malheureux qui désirent faire pipi (ou pire !) doivent désormais entrer leur identifiant unique dans une appli qui, si moins de 25 étudiants sont actuellement aux gogues, leur indique qu’ils peuvent y aller et lance un compte à rebours. L’élève, dont on espère le transit irréprochable, dispose alors de sept minutes pour faire sa petite affaire, trajet depuis la salle de classe compris. S’il n’est pas revenu en cours avant la fin de la minuterie, il risque de perdre son « privilège toilettes ». L’appli est très appréciée de la direction de l’établissement, qui lui a permis de réaliser que non seulement les élèves, ces petits feignants, mettaient jusque-là plus de sept minutes à déféquer, mais qu’en plus certains professeurs un peu trop généreux accordaient davantage de pauses toilettes que les autres durant leurs cours. Gageons qu’une mise à jour de l’application proposera qu’on les fusille.
Clubic.com. Les conséquences de l’énorme vol de données qui a eu lieu en début d’année chez deux plateformes d’opérateurs du tiers payant, Almerys et Viamedis, commencent à se faire sentir. Les tentatives d’usurpation d’identité seraient en hausse, avec plus de 217 000 cas recensés par France Vérif à la fin du mois de février, et ce pourrait bien n’être qu’un début puisque les combos nom/date de naissance/numéro de sécu de millions de Français sont désormais dans la nature. Tout cela est bien inquiétant, mais moins que le dessin d’illustration de l’article de Clubic, qui nous montre un bonhomme portant un masque (ce qui semble indiquer qu’il s’agit du voleur d’identité) mais tout triste (il s’agirait donc de sa victime). Tout cela n’est pas clair messieurs, merci de m’expliquer.
(⁄ ⁄>⁄ ▽ ⁄<⁄ ⁄) Publicité (⁄ ⁄•⁄ω⁄•⁄ ⁄)
Les bons plans matos
Par Furolith
Barre de son Samsung Q800C (500 €). Depuis le rachat d'Harman en 2017, Samsung est devenu l'un des meilleurs spécialistes mondiaux des barres de son. La Q800C, en configuration Dolby Atmos 5.1.2 virtuelle, est la référence la plus recommandable de sa gamme. Elle ne vaut évidemment pas une « vraie » installation home-cinema, mais à 500 €, le rapport qualité/prix est imbattable.
Sony HT-S2000 (350 €). Beaucoup plus simple et compact, ce modèle offre un rendu sonore sensiblement moins spectaculaire, mais est tout de même largement en mesure de remplacer très avantageusement les généralement médiocres haut-parleurs intégrés d'un téléviseur.
Les liens ajoutés à cette sélection peuvent nous valoir une commission.
La semaine du jeu vidéo
($Δ$)
En partenariat avec Canard PC : magazine, site web, chaînes Twitch et YouTube.
Notre sélection d’articles, par Ambroise Garel
L’article gratuit de la semaine : Abonnement et revenu récurrent, obsessions maladives du jeu vidéo. Tel Jésus grimpant sur la montagne pour adresser aux hommes son sermon, Ivan Le Fou est monté cette semaine sur l’estrade de Canard PC pour signifier à l’industrie du jeu vidéo qu’elle fait fausse route. Devenue si cupide qu’elle n’arrive plus à se satisfaire qu’un jeu se vende à des millions d’exemplaires, elle ne jure plus que par les game as a service qui visent à rendre les clients captifs afin d’optimiser l’ARPU (average revenue per user, revenu moyen par utilisateur) et devient incapable de se renouveler. « Une crise face à laquelle la seule priorité des cadres en costume du jeu vidéo semble être de copier les recettes existantes. » (Évangile selon Ivan, 5:13)
Et aussi :
Dossier : Jeux de rôle : place à l’âge d’or
Test : Dragon's Dogma 2
Test : Rise of the Ronin
Les bons plans Gamesplanet
Notre sélection jeux vidéo, par Ambroise Garel
Double Kick Heroes. Comme tout le monde, vous avez adoré cette scène de Mad Max: Fury Road où un type perché sur un camion joue d’une guitare électrique qui crache le feu. Comme tout le monde, vous avez essayé de la reproduire en vrai en grimpant sur le toit de la berline familiale avec une guitare sèche pour jouer Jeux interdits (c’est le seul morceau que vous connaissez) à 130 à l’heure sur l’A6. Comme tout le monde, vous avez fini arrêté par la maréchaussée, qui a accepté de vous laisser partir à condition que vous acceptiez de vous contraindre à un suivi psychologique. Ou bien peut-être que je prends mon cas personnel pour une généralité, je ne sais pas. Dans tous les cas, pour jouer du gros metal qui tache debout sur un pick-up (qui plus est en tuant des monstres, ce qui ne gâche rien) mais en toute sécurité, rien de mieux que Double Kick Heroes. 6,99 € (-65 %) jusqu’au 31/03.
Jusqu’au 15 avril, le code promo « LAPIN » offre une réduction supplémentaire sur l’ensemble du catalogue Gamesplanet.
Et aussi :
High On Life. 25,99 € (-33 %) jusqu’au 29/03
Nobody Saves the World. 8,50 € (-65 %) jusqu’au 31/03
Algo Bot. 2,75 € (-72 %) jusqu’au 31/03
À lire dans la partie premium
Les chroniques qui suivent sont réservées à nos abonnés payants.
➫ Billevesées du Web : On a tous une tradwife qui sommeille en nous
➫ Dans la fleur de l’edge : Quand les humains seront des tournesols
➫ Impr/écran
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Le Pavé numérique pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.