L'IA, nouvelle arène de la guerre culturelle
Didier Raoult disparu de YouTube, Chine qui rattrape son retard sur les États-Unis en matière de processeurs et jeux à -91%
Édito
Par Ambroise Garel
Trop occupés à chroniquer la guerre qui fait rage entre IA et artistes (et journalistes, et auteurs, et producteurs de plus ou moins toutes les formes de contenu qui peuvent se retrouver sur Internet) concernant le respect du copyright, nous avons presque oublié qu’une autre bataille fait rage : celle pour le contrôle de la vérité. Derrière cette expression aussi vague que kitsch qui fleure bon la citation approximative d’Orwell sortie en fin de repas par un oncle aviné, un enjeu on ne peut plus concret : si les IA sont amenées à devenir, de plus en plus, nos interfaces avec le monde — et cela semble être le cas, leur volonté de concurrencer les moteurs de recherche en apportant une preuve supplémentaire —, celui qui contrôlera les modèles de langage contrôlera de fait ce que liront, et dans une certaine mesure penseront, des milliards d’hommes et de femmes.
C’est sans doute pourquoi la guerre culturelle entre libéraux et conservateurs sur les questions « sociétales », qui structure depuis le milieu des années 2010 une grande partie du débat politique, est descendue dans l’arène des LLM. Après Grok, le modèle génératif d’Elon Musk destiné à contrer le supposé biais de gauche de ChatGPT, c’est Google Gemini qui est aujourd’hui au cœur du débat, comme l’explique un excellent article du New York Magazine. Comme la plupart de ses concurrents, Gemini modifie en effet discrètement les prompts des utilisateurs afin de censurer les résultats illégaux (pédocriminalité, violence, encouragement à commettre un délit…) et, dans ce cas précis, de contrer les biais inhérents à tout modèle entraîné sur Internet, comme la tendance à ne dessiner que des hommes blancs lorsqu’on lui demande la photo d’un PDG. Sauf que les ingénieurs de Google en charge du prompt injecting ont eu la main un peu lourde et que Gemini s’est mis à générer des papes presque exclusivement noirs ou féminins (ce qui a fait hurler les réacs) et même une Wehrmacht ethniquement diverse (ce que je trouve hilarant, sans doute parce que j’ai passé trop de temps sur Internet). Faute de trouver une solution, Google a pour le moment désactivé la génération d’images de Gemini.
Au-delà du cas anecdotique des gens qui crient à la réécriture de l’Histoire comme ils le font de toute façon à chaque fois qu’un noir est casté dans un téléfilm historique de Netflix, se pose une grande question : quelle autorité, et avec quel niveau de transparence (pour le moment : aucun, crainte de la concurrence oblige), doit être chargée de contrôler les biais — et de contrôler le contrôle des biais — des IA ? La question est de plus en plus pressante, notamment depuis que, inquiets de voir leur contenu pillé, de nombreux grands médias ont interdit aux IA de venir s’entraîner sur leurs articles. Si la pratique devait se généraliser, seuls les médias les plus douteux, souvent conspirationnistes ou extrémistes, serviraient alors à entraîner les modèles.
Plutôt que d’avoir recours au prompt injecting, faut-il créer des biais en amont, lors de l’entraînement, pour déterminer quelles sources sont fiables et quelles sources ne le sont pas ? Pourquoi pas, la plupart d’entre nous seront d’accord pour dire qu’il vaut mieux faire confiance aux articles du New York Times qu’à ceux de Breitbart. Mais si de pareils jugements doivent déterminer le discours d’une machine destinée à devenir la source d’information principale d’un nombre croissant d’êtres humains, faut-il les confier à des opérateurs privés au fonctionnement opaque, aussi bienveillants soient-ils ? Et le simple ajout de biais « volontaires » (par opposition aux biais involontaires qui reproduisent naturellement ceux du corpus d’entraînement) ne risque-t-il pas de nourrir encore davantage les pensées « anti-système », qui y verront la preuve d’une censure de tout discours non conforme ? Alors peut-être faut-il simplement reconnaître que l’utopie d’une machine capable de dire une vérité objective similaire en toute époque et en tout lieu, capable de satisfaire tout le monde en dépit des différences politiques, nationales et culturelles, est absurde. Que finalement, le discours sur le monde humain, dans toute sa complexité et ses contradictions, devrait être laissé aux humains. Mais, forcément, cela attirerait moins les capital-risqueurs.
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Le triste monde tragique de la technologie
Notre revue de presse de la tech déchaînée, par Ambroise Garel
(°ロ°) !
ZDNet.com. Prenez n’importe quel pauvre hère et demandez-lui cent millions de fois par jour de rédiger vos dissertations ou vos comptes rendus de réunion : invariablement, il sombrera dans la folie. C’est ainsi que ChatGPT, probablement victime de burn-out ou d’une crise existentielle, a complètement pété les plombs il y a dix jours. Au lieu de fournir les habituelles réponses ennuyeuses et semi-mensongères qui font son charme, il s’est mis à répéter des choses en boucle et à régurgiter une bouillie d’espagnol et d’anglais, au plus grand bonheur des amateurs de poésie cheloue. OpenAI a malheureusement très vite corrigé le bug, ne laissant pas aux gens le temps de développer un outil de synthèse vocale pour lire ces outputs avec la voix de Ron Perlman dans Le Nom de la rose.
DailyDot.com. Un autre qui est en train de s’enfoncer tranquillement dans la démence, c’est Elon Musk, dont un deuxième compte Twitter secret aurait été identifié. Signe que ça va de moins en moins fort, si le premier compte, découvert il y a un an, lui servait à demander aux gens s’ils aimaient les Japonaises et les bibliothécaires, il utiliserait son nouveau burner account pour s’envoyer à lui-même des messages affirmant qu’il est un bon père. Courage Elon, il y a toujours une lumière au bout du tunnel.
TheVerge.com. À quoi bon passer ses journées à s’égosiller pour mettre les gens en garde, je vous le demande, puisque de toute façon ils n’en ont rien à faire ? Eh ben voilà, ça y est, les ingénieurs de Lenovo, dont l’hubris leur aurait valu d’être punis par Zeus à l’époque où l’on se souciait encore de ces choses-là, ont créé un portable avec un écran transparent. Sans doute en réponse à la célèbre note de Boulet et ajoutant l’insulte à l’injure, le directeur exécutif du projet a même ajouté que c’était une invention « utile pour les dessinateurs ». Si ce ThinkBook Transparent Display n’est pour l’instant qu’un prototype, gageons que vous pourrez sans doute bientôt avoir chez vous le laptop le moins pratique et le plus inutile de tous les temps, mais bon, après tout il y a de la place dans vos placards depuis que vous avez retourné votre Apple Vision.
BSky.app. Autrefois, quand on voulait faire comme si quelqu’un n’avait jamais existé, c’était bien du souci. Il fallait retirer la personne des photos en les grattant, puis repeindre dessus, et en plus envoyer un type au Mexique assassiner le gusse à coups de piolet. Aujourd’hui c’est beaucoup plus simple, comme vient de le démontrer l’IHU Méditerranée Infection, qui a déréférencé du jour au lendemain toutes les vidéos des élucubrations de Didier Raoult. Si lesdites vidéos sont toujours accessibles à qui dispose de leur URL directe, elles n’apparaissent plus nulle part sur la plateforme. Conséquence amusante, le total de vues de la chaîne est brusquement tombé de 116 à seulement 9 millions, mais comme disait déjà Staline, célèbre influenceur moustache, « la perte d’une vue est une tragédie, la perte de millions de vues est une statistique. »
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Les bons plans matos
Par Furolith
Kit de watercooling Arctic Liquid Freezer III 360 (77 €). Les kits de refroidissement CPU à eau Liquid Freezer II d’Arctic étaient déjà connus pour leur rapport qualité/prix imbattable, et le constructeur vient encore d’enfoncer le clou. Le nouveau Liquid Freezer III propose des performances équivalentes à celles de son prédécesseur, pour un prix à peine croyable : 77 € pour un kit 360 mm, c’est tout simplement du jamais-vu. Pour qui envisagerait de se mettre au watercooling, c’est une opportunité inespérée.
Ventirad Thermalright Peerless Assassin 120 SE (37 €). Les bons vieux ventirads ont toujours leurs aficionados, grâce à leur simplicité et leur fiabilité sans faille. Dans le genre, le Peerless Assassin est aujourd’hui la recommandation la plus facile à faire : pour moins de 40 €, il offre des performances thermiques qui n’ont pas grand-chose à envier aux modèles haut de gamme.
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La semaine du jeu vidéo
( •̀_•́)=ε [̲̅$̲̅(̲̅ιοο̲̅)̲̅$̲̅]
En partenariat avec Canard PC : magazine, site web, chaînes Twitch et YouTube.
Notre sélection d’articles, par Ambroise Garel
L’article gratuit de la semaine : Au coin du jeu — Pourquoi l’industrie du jeu vidéo est-elle en crise ? Je le savais depuis le début : sous vos dehors de petits plaisantins qui lisent des newsletters pleines de blagues sur l’Apocalypse, vous êtes des gens sérieux, c’est pourquoi vous avez choisi cette semaine de rendre gratuit le « coin du jeu » sur la crise de l’industrie du jeu vidéo. Article qui, comme l’exigent les règles de la presse sérieuse, est rempli de chiffres, de mises en perspective et de mauvaises nouvelles, et se conclut sur l’hypothèse d’une guerre mondiale.
Et aussi :
Test : Final Fantasy VII Rebirth
Test : Promenade
À venir : Senua’s Saga : Hellblade II
Les bons plans Gamesplanet
Notre sélection jeux vidéo, par Ambroise Garel
RoboCop: Rogue City. RoboCop: Rogue City est non seulement un très bon jeu, mais aussi une excellente adaptation de Robocop. Le film, souvenez-vous, était une charge à boulets rouges contre l'Amérique post-Reagan, qui mettait en scène un policier robot tout-puissant, vite devenu l’égérie de tous les flics des États-Unis, auquel le message violemment anticapitaliste du scénario avait visiblement échappé. Eh bien Rogue City, qui se déroule dans cette même dystopie reaganienne (fort bien recréée et chouettement écrite), nous fait incarner le superflic en question, tellement agréable à contrôler qu’il est impossible de ne pas le trouver super cool. 27,99 € (-44 %) jusqu’au 10/03.
Les cent premières personnes à utiliser le code promo « BICYCLETTE » avant le 14 mars obtiendront une réduction supplémentaire sur tout le catalogue Gamesplanet.
Et aussi :
Steelrising. 16,50 € (-67 %) jusqu’au 10/03
Hunting Simulator 2. 3,50 € (-91 %) jusqu’au 10/03
War Hospital. 18,99 € (-37 %) jusqu’au 10/03
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